Ce matin, je marche dans la grisaille parisienne. Attente au feu. La bretelle venant de la voie rapide vomit un flot incessant de voitures impatientes. L’air est gris de poussière, sursaturé de bruits de moteurs. Agression matinale banale.
Au vert, je traverse et entame le passage bétonné pour passer sous le périphérique.
Et là, au milieu, adossés au mur, quatre sacs de courses rouges, ventrus, pleins, tranchent l’espace.
Et là, au milieu, sur les sacs rouges, une jeune maman et son fils, assis, tout entiers absorbés l’un par l’autre.
Il a trois ans, au plus. Et il raconte, bavarde, explique. Sa main, accrochée à un biscuit voltige en tout sens. Les yeux de sa maman brillent de tendresse et d’écoute. Et son éclat de rire à la conclusion de l’histoire illumine l’ambiance.
Enfin, pour moi, là, dans ce matin gris. Car personne d’autre ne regarde cette maman assise avec son petit sous un périphérique hurlant. Vivre à la rue ne se regarde pas.
Alors jaillit en moi, le visage de mes deux petits fils, si proches en âge de ce petit-là. Ils profitent de la même tendresse et de la même écoute mais dans d’autres lieux tellement plus sereins.
Et je sais pourquoi je me bats avec d’autres pour que cela cesse.