L’eau de la nuit

Le soir venait d’allonger son ombre sur la petite ville quand j’ai glissé la clé dans la serrure. La rue est calme, comme celle d’un bourg de province en début de soirée. Seul le café sur la place donne un semblant de vie. 

La porte a grincé. La maison dans la pénombre semble en sommeil. Et je cherche en tâtonnant l’interrupteur de l’entrée. La brusque lumière éveille les couleurs accueillantes. Nous étions venus ici avec Clara deux semaines en vacances, il y a 10 ans. 15 jours de bonheur à explorer la région. Grâce à la générosité d’amis, qui me prêtent leur maison à nouveau aujourd’hui.

Il y a 10 ans. Déjà. Que le temps passe vite.

Je pose mes bagages dans l’entrée. Et marche à petits pas dans la douce torpeur des pièces. Les volets sont fermés. Je ne pense pas les ouvrir. Pas besoin. Je laisse les ombres teintées des lumières de la rue me guider. Le salon, douillet dont l’âtre attend les bûches. La cuisine sobre, éclairée du lampadaire voisin. La salle à manger et sa longue table familiale. Rien n’a véritablement changé. Une maison de vacances au confort bricolé qui garde les souvenirs au chaud.

Mon sac de voyage à la main, je me dirige vers l’étage. Je n’ai toujours pas allumé les lumières. Je tâtonne. Touche. Suis la rampe de ma main droite. Quelle chambre avions-nous eu il y a 10 ans ? Celle de droite ou de gauche ? Je ne sais plus, je choisis celle de droite. Côté jardin. Au lit gonflé de son édredon en plumes. Je hume. L’air est un peu saturé. J’ouvre la fenêtre malgré la fraîcheur de l’air. 

Clara doit me rejoindre. Quand ? Je ne sais pas exactement. Elle remonte de Carcassonne en voiture après trois semaines de tournage. C’est long trois semaines. Et elle ne m’a pas communiqué l’heure de son départ. Elle arrivera dans la nuit ou demain matin ou… J’ai l’habitude de ses retours approximatifs de Clara. Cela fait partie du personnage. Et je l’ai épousé en connaissance de cause. Elle est comme un oiseau migrateur, elle va elle vient. Ivre du voyage. Je suis en quelque sorte son port d’attache. J’ai appris à attendre.

Je n’ai rien apporté pour diner. Je vais aller jusqu’au café voir s’il est possible de manger brièvement. En ce mois de novembre, je suis le seul dans la rue à marcher vers la place. Nous étions venus en été. Rien n’est pareil. Tout est plus lourd, plus triste, plus solitaire. 

Au café, je dois un peu insister pour avoir une assiette frugale. Qu’importe. Mes yeux sont partis il y a 10 ans. Clara, souriant dans le soleil. Son regard amoureux accrochant le mien, ses épaules souples, ambrées par l’été, sa fine robe moulant sa poitrine ronde. J’ai envie d’y mettre la main. 

  • Monsieur on va fermer. 

Je sursaute. Mes rêves m’entrainent bien loin, j’ai oublié de manger. Je me dépêche, avale plus que je ne mange, siffle mon verre de vin d’un coup pour libérer l’employé pressé de fermer. 

Près de la fontaine, au centre de la place, une femme boit l’eau qui s’écoule avec parcimonie. Ses longs cheveux retenus dans un lourd chignon. Habillée d’une longue robe bleu foncé. Bleu nuit en fait. Un instant me vient l’image de sa chevelure abondante s’échappant du chignon et venant puiser elle aussi dans l’eau ruisselante. L’eau de la vie, en apparence inépuisable.

Mes pas me ramènent lentement vers la maison. Dans l’entrée j’hésite. Un petit verre dans la cuisine ou le salon pour démarrer une flambée ? Ce sera le salon. J’ai de longues heures devant moi je le crains. Et la seule lueur de flammes me suffit. Je n’ai pas envie ni de lire, ni de feuilleter un magazine, ni d’écrire, ni… rien. J’essaie de me souvenir, de Clara surgissant après la route, m’éveillant de ma torpeur dans le canapé du salon, vaincu par la fatigue de l’attente. Clara me caressant le visage avec légèreté pour me ramener du sommeil. Son regard pétillant semblant dire: tu vois, je reviens toujours. Clara, dont je suis l’homme en attente. De Clara au travail, de Clara en tournage, de Clara avec les enfants, de Clara en marche solitaire. Clara, ma source.

Et encore aujourd’hui, ce soir, cette nuit. 

Je n’ai pas sommeil, je cueille les souvenirs, les images, d’elle, de nous, d’elle… C’est flou parfois, comme un film usé qu’on a trop passé dans la machine, un peu griffé, un peu sale. Son visage disparait parfois. Et cela m’angoisse. Comme si la seule manière d’aimer Clara était de la laisser disparaitre, s’éclipser. 

Un bruit sec vient de l’étage. Je sursaute. Je monte, toutes lumières allumées cette fois. C’est la fenêtre de la chambre. Le vent qui s’est levé la secoue, elle se défend, répond et claque. Au moment de la fermer, dans le jardin, je crois distinguer la silhouette de la femme de tout à l’heure. Je ferme les yeux, incrédule. Les rouvrent. Plus rien. 

Devant les flammes actives et vigoureuses, j’écoute les bruits de la maison. Inconnus. Comme une conversation dont je suis exclu. Il y a un grincement continu. Qui vient du jardin. Comme une scie rasant le bois. Comme une usure de la nuit. Je sursaute encore à une voiture qui passe dans la rue. Il y en a tellement peu, elle m’a surpris. 

J’attends mais je n’aime pas. Je finis toujours par penser que Clara se joue de moi, qu’elle m’utilise, comme un vulgaire pantin. Cette fois où elle est arrivée au petit matin au lieu du soir. Sans me donner une quelconque explication. Je l’ai vue dans un lit d’hôpital, je l’ai vue dans les bras d’un autre, je l’ai vue… sans la voir. Qui me dit qu’elle n’a pas des amants, dans chaque voyage, cultivant les relations éphémères. Plus exotiques que de me retrouver, moi, toujours le même, toujours à sa dévotion. Une sorte de rage monte en moi. Des images m’assaillent de son corps rivé à celui d’un autre, ou d’une autre, de ces caresses, ces doigts, ces bouches, ces peaux, ces accents de passion. Je marche dans le salon, j’ai envie de vomir, de crier, je ne crois plus à rien. 

Pour me calmer, je pars à la cuisine. La nuit est maintenant bien installée. Minuit ne doit pas être loin. J’ouvre tous les placards fébrilement. Ils ont bien une bouteille de vin quelque part. Ou une bière. Ou… 

Sous l’évier, je trouve du vin. Rouge. Cheval noir 2019. Je prends. Je leur dirai. J’ai besoin de boire, d’essayer de retrouver mon calme effrité.

Je repars au salon la bouteille et le verre dans les mains. J’ai le temps. Mais les images reviennent, ponctuées des silences suspects de Clara ou de son imprécision, de ces mots qui m’attaquent à chaque fois : Mais je suis là Yvan. Pourquoi me questionner ? Cela ne suffit pas que je sois là ?

Et je ravale, je me sens à la fois, idiot d’avoir douté et convaincu de n’être rien, ou si peu. Je peux penser à Clara des heures, penser à moi est impossible, comme si j’étais une sorte de fantôme sans couleur. Je ne suis rien sans elle. Vide. Vidé. Transparent. 

Deuxième verre. Il me réchauffe. Mais ne me calme pas. Je refais pour la millième fois les calculs. Si elle est partie de Carcassonne vers 18h alors… si elle s’est arrêtée en chemin, je rajoute une heure, mais, là encore elle devrait bientôt être là. L’église sonne trois heures. Tiens, elle sonne la nuit l’église ici ? Étrange. 

Le grincement continue dans le jardin. Depuis la fenêtre de la salle à manger, je scrute les ombres, les arbres qui ploient sous le vent et la pluie. A nouveau une silhouette semble y glisser. Puis disparait. Cette femme. Mais que fait elle dans le jardin ? Est-elle une messagère ? Est-ce encore ma fébrile imagination ? Ou le vin ?

Une ambulance troue le silence. Un accident. Clara a eu un accident. C’est cela que cette femme vient me dire. Que Clara va mourir. Que… 

Je pleure d’angoisse, voyant la voiture en flamme, un camion basculé sur le côté, le corps coincé, les pompiers, la scie de la tôle, les brancards, les sirènes… Tout le film se déroule avec une précision de métronome, je vois chaque blessure, chaque inconscience de Clara, chaque mot, chaque efficacité, chaque douleur. Je suis aiguillonné traversé. 

La sonnerie de la porte d’entrée me dresse contre le mur. Qui cela peut-il bien être… Clara ? Le cœur palpitant j’ouvre la porte.  Devant moi cette femme, sombre, diaphane, furtive. J’entends : mais pourquoi l’attendez-vous encore ? Est-ce sa voix ?

Je suis statufié. Incapable de rien dire. Parce que je l’aime, que je suis heureux de la retrouver, que … Ma langue est raide. La femme a disparu.

C’est long. Je suis comme paralysé. Comme une concrétisation de ma peur de vivre sans Clara. De ces moments où elle s’absente. Des espaces d’apnée pour moi. De respiration filtrée.

La nuit s’approfondit encore. Ces heures où le matin est encore loin, où le noir, le sombre gardent leur emprise, où l’angoisse n’en peut plus d’espérer l’aube. La bouteille est vide. J’ai trop bu. Clara n’aimera pas. Elle déteste quand je suis saoul. Elle a d’un coup ce regard de mépris qui me coupe en pièces. 

Je vais chercher de l’eau. Dans une sorte de démarche dansante. Impossible d’aller droit. Le feu s’est éteint. J’ai dû relâcher ma vigilance sans m’en rendre compte. Allez. Encore un verre d’eau. La nuit est lourde.

J’ai sursauté. Une porte de voiture a claqué. La nuit est moins épaisse. Une lueur vague se glisse entre le bois des volets. Je dois m’être un peu assoupi dans le fauteuil. Clara n’est toujours pas là. 

Bien sûr que non, elle n’est pas là. Je le savais. 

Mon portable se met à vibrer. Adeline, notre fille.

  • Papa ?
  • Oui
  • Papa, où es-tu ?

   J’hésite, je bafouille lamentablement.

  • Papa… s’il te plait.

Je prends une longue respiration.

  • A Corbigny.
  • Et depuis combien de jours ? Ton chien hurle à la mort à la maison. Ce sont les voisins qui m’ont prévenu. 
  • Je ne sais pas, 4 jours ? 5 peut-être ? Je ne sais plus Adeline, je ne sais plus.
  • Papa, évidemment que tu peux partir. Mais tu sais que tu peux me demander de m’en occuper de ton chien. 

J’ai envie de vomir. Je suis perdu. J’entends la voix douce d’Adeline dans une sorte de brouillard. 

  • Oui. Mais j’étais venu pour Clara. Elle devait rentrer de son tournage. Elle n’est toujours pas là.
  • Papa. Tu veux que je vienne te chercher ?
  • Mais Clara ?
  • Papa, cela fait six mois qu’elle est morte dans cet accident de voiture. Tu l’as oublié ? Ne bouge pas, j’arrive. 

Je me suis levé comme un automate. Je le savais. Je le sais. Bien sûr je le sais. Mais ni mon corps, ni mon esprit, ni mon cœur n’arrive à le réaliser. Clara. Mon amour. Où es-tu ?

J’ai marché jusqu’au café de la place. Pour attendre Adeline. Le café est encore fermé. Je crois reconnaître la femme de cette nuit. Son regard doux et bienveillant. Et j’entends : La nuit est finie. L’aube est revenue. Vivez. Sans attendre.

Brèches

Le vent hurle en sourdine

Les mots de mort que la peur écrit

Croisée des épées de soupçons,

Le fleuve déborde jusqu’à nos brèches

Je suis transparente aux branches

Engloutie de flèches que darde les douleurs

Des autres

De moi

Des absents

Face aux rugissements

De l’ogre

Résiste, oui résiste

Toi, moi, eux, encore et plus

Pour ne rien perdre du feu

Ou de l’aurore du crépuscule.

Etre Charlie?

Nous étions quelque uns, en ce dimanche 11 janvier 2015, réunis pour un atelier d’écriture. Et nous avons essayé d’écrire, sur ce jour, ces événements. Sur ces mots qui courent les ondes et les rues: Je suis Charlie… ou je ne le suis pas.

Vous trouverez ici, l’un après l’autre les textes des membres du groupe.

LA PAIX A EXPLOSE

La paix a explosé comme une colère sournoise comprimée trop longtemps. Un serpent glisse et siffle au cœur d’une multitude désemparée, robotisée, ignorée, ignorante.

Je suis cet enfant soumis au regard filtré à l’étroitesse d’une meurtrière. Je suis ces femmes cachées avec pour liberté une impasse. Je suis ces hommes, embarqués dans le torrent des propos réducteurs. Je suis ce pouvoir d’achat menant les foules dociles sur le chemin étroit des soldes du sens. Je suis cette tolérance cadenassée, cette ouverture filtrée, cet espoir raboté, cette guerre sans fin.

La paix a explosé, laissant derrière elle, un champ noirci par la haine, la peur et la folie, lançant au vent furieux autant de refus que d’horreur, d’élans que de peur comme un ébranlement profond de nos ventres meurtris.

La paix a explosé,

Ouvrant à des millions de pleurs, de questions, à ces millions de pas, déterminés. Marche pudique et offerte, de cette diversité trop souvent consignée.

Le feu noir de la mort a fait flamber la colère, rouge de honte. Le sol est blanc, du lendemain à construire, de l’indignation à ne pas étouffer, du lien à renouer. Le feu de l’espérance est vert pour écrire une liberté nouvelle.

Brigitte

LE 11 JANVIER …. JE SUIS CHARLIE

J’ai découvert ces mots dans un texto. Une chaîne à faire passer… Je n’aime pas les chaînes mais peut être celle-là en valait-elle la peine ? Je me suis interrogée ces mots en moi ont résonné. Etais-je Charlie ?

Je ne connaissais pas Charlie Hebdo. Je ne l’ai jamais lu. Lors de l’affaire des caricatures du prophète j’ai dit « qu’est-ce qu’ils sont cons de les avoir publiées ! » Je craignais que ce soit mal interprété, un bâton pur se faire battre, une provocation sourde à ruminer …

Le dernier dessin de Charb ainsi résumé, « Pas d’attentat en France ? Patience, la période des vœux dure jusqu’au 31 janvier » me laisse sans voix. Une provoc de trop ? Un dernier pied de nez ? L’auteur, avec d’autres, au paradis des dessinateurs s’en est allé.

La France pleure, le monde s’éveille.Comme après une gueule de bois. C’est la guerre dans nos rues, on assassine et on tue, soit disant au nom d’Allah. Fut un temps on pillait, tuait et convertissait au nom du Christ à tour de bras.

Je suis profondément triste pour ces gens, artistes, policiers, anonymes,qui ont payé le prix fort soit pour leur engagement, soit seulement parce qu’ils étaient là au mauvais endroit. Cela aurait pu être toi, cela aurait pu être moi.

Et ces chefs d’état qui affluent dans les rues de Paris aujourd’hui. Ces ennemis de de toujours, incapables de se parler, réunis pour une cause commune, universelle, LA LIBERTE!

Liberté de penser, liberté d’exprimer ses idées, liberté de la presse, liberté de croire en un Dieu, quel qu’il soit.

En silence avec eux je marche dans ces rues de Paris meurtries qui m’ont vue grandir. En silence avec eux je pleure les martyrs des temps modernes qui n’ont pas vu la menace venir. 

Valérie, le dimanche 11 janvier 2015

CHARLIE

Je ne suis pas Charlie !

Comme tous les artistes qui donnent chair à Charlie depuis des années je suis opposé à la pensée unique, aux dogmes, aux vérités absolues.

Comment pourrais je être Charlie aux cotés d’extrémistes religieux et politiques qui voient dans cette tragédie la confirmation de leur crainte d’un Occident islamisé.

Je ne suis pas Charlie !

Je ne suis pas un preux chevalier des temps moyenâgeux. Dernier rempart contre la barbarie. Défenseur envers et contre tous de la Vérité avec un grand V.
Leur vérité.

Je ne suis pas Charlie !

Lourd de peur au ventre, larmoyant sur son malheur. Ressuscité d’entre les morts de la bonne conscience.

Je ne suis pas Charlie !

De ces Charlie d’un jour, ignorants de tous les Charlie du monde. Ils sont si loin, si différents, si peu télévision, si peu…nous.

Je ne suis pas Charlie

Lutz , l’un des survivants, vient de déclarer :
« Mes amis morts auraient conchiés tous ceux qui chantent la Marseillaise en leur mémoire ».
Propos brutal, coup de poing dans la gueule, bras d’honneur, irrespect, tout ce que vous voulez mais tellement représentatif de l’esprit Charlie Hebdo.

Je suis simplement un être humain et tout ce qui est humain me concerne.

Je suis rempli de larmes d’impuissance.

Je suis Charlie et je sais que demain je serai à nouveau seul.

Jean

Voltaire : Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes mais je me battrai pour que vous puissiez le dire.

JE NE SUIS PAS CHARLIE

Je suis.
Je suis « je ».

Je ne suis pas Charlie. Je suis Michèle.
Charlie, ce n’est pas moi.
Je ne suis pas la pensée unique d’un jour unique.
Je ne suis pas la ferveur collective d’un dimanche de janvier.

Parce que je suis « je ».

Charlie, c’est Charlie : c’est chaque semaine deux feuillets de pur courage, deux feuillets de liberté.

Charlie, c’est le rendez-vous du goûteur d’idées salées, lui, ses résolutions-révolutions intérieures.

Charlie, c’est la dérision au bout de la ligne, la provocation à la pointe du crayon. C’est le précipice au bord de la marge.

Charlie, c’est la cruauté crue, exprimée sans filtre.

Charlie, c’est un nid de gentils, leurs yeux de sorcières sur nos artifices-paradis.

Charlie, c’est le courage.
C’est pour ce jour le rassembleur des humanités.
Charlie, c’est Charlie. Ce n’est pas moi.

Je ne suis pas Charlie. Je suis Michèle.

Je suis poussière sous la semelle d’un géant. Minuscule et sans courage. Mais libre.
Aussi libre que Charlie pour dire « je ne suis pas Charlie. Je suis Michèle. »

Je suis Michèle aux mains propres. Le cœur ouvert.

Je suis celle qui refuse jour après jour toutes les barbaries.
Je suis celle qui combat le moindre reflet d’infimes injustices, l’infâme brindille dans les rouages des Hauts-Bruits.

Je suis celle qui honore toutes les libertés.
Je suis sans cri et sans drapeau.
Silencieuse et indépendante.
Fourmi, je crois en la force des fourmis.

Je suis celle qui ne pleurera pas.
J’avance. La vérité chante à chacun de mes pas.
Je n’ai pas peur.

 Michèle, Janvier 2014

JE SUIS CHARLIE

Je suis Charlie, De tout mon corps, De toute mon âme

Je suis Charlie, Parce que je dis non au terrorisme, Parce que je dis non aux attentats
Parce que toute forme de violence m’horrifie, me terrifie
Et chaque jour de ma vie, je m’applique à éradiquer la violence qui est en moi

Quand je dis : « Je suis Charlie », Je dis Pardon,
Pardon d’avoir quelque part laissé faire cela
Quand je dis : « Je suis Charlie », Je dis Paix à leurs âmes, C’est ma prière
C’est ma façon de dire Pourquoi ? Je ne comprend pas !
C’est ma façon de lutter contre la peur qui m’enserre
C’est mon courage, Ma lutte du quotidien, Contre le racisme, Contre l’obscurantisme
C’est ma levée de Crayon, Mon appel à la lutte sans armes

Mon appel à l’amour au-dessus de tout, « Aimons nous les un les autres » !
Malgré tout ! Par-dessus tout !
C’est un appel à la liberté individuelle, C’est un appel à être !
Vraiment, Sincèrement, Entièrement
C’est un cri de sang froid ! Pour que la Non-Violence soit !
C’est une pensée pour Jésus, Bouddha
C’est une supplique vers Gandhi, Martin, Nelson
Pour que leurs actes, leurs paroles résonnent

C’est un appel pour que force me soit donnée de continuer
De trouver où, De trouver comment, AGIR
Pour que toute cette horreur ne soit plus !
Jamais plus !

Marielle

QUAND LA PAROLE EST BRISEE

Effroi.Froid dans le dos.
Dos tourné à la réalité.Tête dans le sable.
Saleté de vie. Virez moi ces malades.
Laideur de nos cœurs. Creusons nos consciences .
Sentons la honte de l’affront. Le front de l’ennemi voilé s’est dévoilé.

Volent les cris de haine. Chaine humaine soudée par l’agression.
Sion, Babylone, Rome piégées dans la culpabilité. Ténèbres surgies de l’éclipse.
Psychée où les frères drapés d’ego mirent leurs âmes.
Armes brandies pour être égaux. GO,GO, nous ne sommes pas si médiocres.
Croisons le fer avec ceux que nous avons enfantés.

T’ai-je dis que je t’aimais ? Mektoub, c’était écrit. Pas dans la même langue.
Lancinantes barbaries des contrées lointaines. Tenez-vous à distance.
Tant de femmes enlevées, tant d’enfants esclaves.
Clamons notre liberté.Terrible cri. Crissant d’impuissance.
Sang noir abreuvant les stylos. Logorrhée noyant les esprits.

Rions-nous de tout ou pleurons-nous de rien. Ruminations stériles.
Îles en perdition. Souviens-toi d’où tu viens.
Veines du même arbre.Abstraction. Scions vers la chute le rameau.
Maux démons des mots.
Modérons l’effroi.

Fraternisons.

Frédérique

JE SUIS CHARLIE

Ce mercredi 7 janvier 2015, tombe cette annonce incroyable et horrible, le massacre à la kalachnikov de l’équipe de rédaction de Charlie hebdo….des dessinateurs mais aussi des rédacteurs, des journalistes et un policier qui était chargé de la sécurité de Charb.
Je n’en crois pas mes oreilles, les larmes coulent de mes yeux, je pense immédiatement à la liberté d’expression, via l’humour, la caricature, que l’on a assassiné ! à ces personnes qui étaient de belles personnes, gentilles, aimables, avec des valeurs fortes de respect de l’autre, valeurs que l’on tue.
Je suis Charlie, car pour moi, ce journal incarne la France, Allégorie de la Liberté, de la Fraternité, de l’Accueil.
Si je suis Charlie, c’est parce ce que je suis française avant tout, que j’aime mon pays, que je me reconnais pleinement dans ces valeurs de liberté, de démocratie, de république.
Si je suis Charlie, c’est parce que je suis contre la Barbarie qui tue pour tuer, pour anéantir, pour mettre le monde à genoux.
Si je suis Charlie, c’est parce que je suis contre l’Islam Terroriste d’Al Qaïda, de Da’ech et de toutes ses filières qui, au prétexte d’Allah, tue les impies, les mécréants, viole les femmes au Pakistan, au Moyen Orient, en Europe.
Si je suis Charlie, c’est parce que pour moi une religion ne peut et ne pourra jamais incarner des valeurs de Terreur, de Haine, de Destruction de l’autre au prétexte qu’il est juif, chrétien, musulman ou bouddhiste, qu’il mange hallal, casher ou du poisson le vendredi.
Si je suis Charlie, c’est parce que je tolère l’autre tel qu’il est, simplement parce qu’il est un être humain, un frère, qu’il soit blanc, jaune ou noir.
Si je suis Charlie, c’est parce que depuis toujours je pense que la liberté de penser, d’écrire, de parler, de ressentir, d’aimer sont nos joyaux les plus précieux.
Je suis Charlie et resterai Charlie en respect de tous ceux qui ,hommes ou femmes, se sont battus pour nos libertés, pour les fonder, les ancrer, les préserver.
En hommage à Charlie, restons unis, soyons des veilleurs de fraternité, ne cessons jamais de porter cette flamme de Liberté, celle de la France Libre, comme une fierté, comme un étendard, telle une flamme olympique que l’on transporte de continent en continent…

Claire, Janvier 2015

En Flamme

Lourdes

Elles sont comme enfermées, sans gestes, sans chemin. Plantées par une main inconnue. Portées aussi par le fer qui les dresse. Traversées par cette mèche invisible, discrète et allumeuse. Gardiennes fragiles de secrets sans noms.

Messages sans mots, fondant de désirs ou d’espoirs démesurés.

Cet espoir, comme une vague qui, en flux et reflux, vient combattre mes doutes obstinés, mes lâchetés banales. Combats de fourmis en batailles silencieuses.

Raideurs fragiles et éphémères pointant vers le ciel, la flamme et la lumière de l’envie, de la patience. Je suis debout comme elles. Pourtant, je déteste la raideur. Celle sans oxygène, sans portes de sortie. Mon corps maladroit porte pourtant cette mèche malmenée de l’humain que je rallume sans cesse.

Un souffle de rage peut m’éteindre, un autre me courber un instant. Une tendresse imprévue me fera fondre un peu, redonnant une petite place à un amour, flambant neuf à chaque fois. Je dégouline de peur, parfois, je me creuse de la tristesse entrevue, de la rageuse impuissance sur laquelle je m’empale.

Pourtant, je me dresse obstinée et éphémère avec d’autres, comme moi, plantés sur la terre. Les flammes dansent en boucles inédites. C’est toujours neuf le bonheur qui fait danser, les rives qui se lâchent, les décors qui bougent. Vague de plaisir qui réveille le sable endormi.

Elles veillent dans la nuit, l’une plus fatiguée que l’autre, l’une plus tordue que l’autre, l’une plus grande que l’autre.

Peut-être que chacune est un de mes jours, un de mes espoirs, une de mes humeurs ? Je suis là dans la lumière fragile de ces bougies levées, partagée, fascinée, invitée, à ne jamais cesser de brûler.

Suite…

Ce texte est issu d’un petit exercice. Le texte en italique n’est pas de moi. Il s’agissait d’en écrire une suite… A vous de découvrir.

C’était par une nuit très claire, quelque part où le soleil est épuisé de baisers, de caresses, et de chants indiens. J’étais un Indien. Nous étions des Indiens. C’était par une nuit la plus claire de l’an, quelque part où la lune jalouse et amoureuse se glisse en cachette, comme elle le fait une fois par mois – à peu près. C’était aujourd’hui. C’était maintenant. Les oiseaux chantaient comme rarement, à une heure inhabituelle pour ce genre de chants. Les hommes, des hommes, tambourinaires impénitents, jouaient des rythmes improbables et la magie suintait de leur peau comme une lueur invisible, comme une sueur sacrée. Il était presque dix heures. Moi je ne sais plus très bien. C’est loin, maintenant. Très loin.

La nuit installait son poids et sa torpeur. La lune repoussant l’épaisseur de l’obscur. Une nuit lourde et claire à la fois. Le rythme des tambours lancinant, répété, inexorable, pèse. Angoissant. Il résonne en moi en échos fracassants. Je suis là à l’écart. Je ne sais rien. Même la lune n’est d’aucun secours. Je distingue au loin les autres, les autres indiens. Comme une houle incontrôlable, je les vois danser, sauter, s’écraser sauvagement quand le corps s’épuise. Se relever, s’embraser portés par la vague des tambours que rien n’arrête.

Pourquoi suis-là, loin d’eux ? Ecarté, rejeté, renié, enfermé.

Je ne sais pas, je ne sais plus, j’ai peur. Une peur sourde, sans réponses, une peur que les tambours laissent sans repos. Une peur d’autant plus grande que je ne comprends rien.

Je sens une folie monter de la danse. Les hommes, des hommes hurlent par delà les tambours, leurs cris percent la nuit, brisent la magie. Y a-t-il encore quelque chose de sacré dans cette sueur furieuse ?

Et ils viennent, les tambours approchent. Leurs voix oppressantes envahissent la tente. Leurs échos résonnent en moi.

Je ne sais plus qui je suis. Je suis seul.  Ils sont beaucoup.  Ils sont fous.

 

C’était chez moi…

 

Le mur noirci dégage une odeur acre et insinuante. La façade affaiblie, semble pleurer des larmes noires. La fumée et les flammes ont mangé, sali, dévasté…

Je dois malgré tout y entrer. La porte est entrebâillée. La serrure tordue dépasse. L’odeur me prend à la gorge, m’étouffe déjà, acide et violente.  J’ai envie de reculer. C’était chez moi. C’était…

Le feu a dévoré tout ce qu’il a pu, hier, quelques heures avant, un instant en quelque sorte.  Un court circuit, dans le magasin d’en bas, une étincelle, un geste pour tout redémarrer et le feu explose. Cheveux brulés, flammes qui jaillissent et elle s’enfuit, elle hurle. Le silence lui répond. Elle court affolée, frappe aux appartements, frappe frénétiquement… Son visage est blanc, rouge, creusé de peur et d’angoisse.

La porte blindée du magasin se ferme happée par la vigueur des flammes. Le piège est clos.  Elle sort dans le rue hurlant…. Au feu……

Enfin je crois. Je n’étais pas là. Je ne connais pas la suite. Les pompiers, les camions, l’effervescence. Scier la grille de fer, se battre , se relayer… 5 camions qui occupent toute la rue… La peur, les curieux indécents, les lumières qui jettent leur angoisse tournante,…  Quand j’arrive, c’est déjà le désastre, les murs ruinés, la fumée acre qui s’élève encore de ce qu’il reste du magasin,  les gravats, mêlés de boue d’où s’échappent bout de sacs, poignée de valise. Le contraste entre les actifs et ceux au regard noyé, incapables d’intégrer ce qu’il vient de se passer. Trop vite, trop soudain, trop impensable, trop, tout simplement trop.

Quand j’arrive, je suis sans gestes, arrêtée. Pourtant je devrais parler au pompier, essayer de savoir, Mais je balbutie, je tremble de peur rétrospective aussi. Et si, Tanguy, et si la nuit et si la fumée, les flammes, le drame. Me calmer, revenir à ce qui est  et suivre le pompier dans l’escalier dévasté.

Tout est noir, j’étouffe, ma tête est dans un étau, mes pieds se prennent dans des gravats, mon visage heurte des fils pendant du plafond. Je titube plus que je ne marche en suivant la lumière tremblée devant moi.  Chez moi, tout est  noir, enfumé, sali, comme violé mais pas brulé. Et nous sommes vivants, intacts. Alors…

C’était chez moi. C’était…