Tu es loin. Et le feu brûle… Vorace, appliqué… Devant cette obstination rougeoyante, je ne peux m’empêcher de penser à cette proximité-distance qui donne naissance aux flammes. Caressé par un souffle invisible, allumé d’une incroyable étincelle.
Tu es loin. Encore. Et l’écart entre les bois comme un mystère. Juste cet espace loin de l’autre pour brûler soi-même, se consumer tranquillement. Juste l’autre bûche, pas trop loin, juste assez proche pour irriguer de sa chaleur, le bois offert, les braises naissantes.
Tu es loin. Toi aussi. Et ces flammes sensuelles, épaisses, actives, nées de presque rien, de cet éclair incontrôlé, infime, fugace. Elles se glissent entre le bois, fissuré peu à peu. Le bois si solide. Mangé par le feu, magnifié, transformé. Alliage, mariage, complicité, combat … fascinant et troublant.
Tu es loin. Très loin. Et dans le silence du matin, seule la mélodie essoufflée de l’âtre emplit la pièce. Le jour n’est pas encore là, le nuit paresse. Chaque flamme présente et dansante, grignotant le bois offert, me parle. De cette longue distance, de cette absence infusée dans le quotidien, qui ronge et fissure nos liens. Insidieusement, méticuleusement. De ce silence sans étincelles. Qui me brûle.
Tu es loin. Et le feu, affaibli un instant, appelle mes gestes pour bouger une bûche, rassembler les braises, rapprocher les bois éloignés, changer les angles, orienter les parts offertes de chacune, pour brûler mieux… et encore. Gestes interdits avec toi, chacun de toi. Caresses, corps à corps, baiser, étreintes… Va-t-on en oublier jusqu’aux mots ?
Tu es loin. Et un bruit trouble le matin. Une bûche s’écroule. Plus de force. Mangée de chaleur. Elle est presque braise, devenant baiser, nourriture pour celle qui se tient encore fière. Elle lèche, ondoie, glisse, savoure… proche, avide. Brûler l’un près de l’autre. La vie en flamme s’enflamme. Tu, toi, vous, chacun, et les autres aussi… me manquent.
Ne pas laisser le feu s’éteindre !