Lumière filtrée…

De la fenêtre, je vois que le taxi est là. Je lui fait signe. La rue est calme. C’est le matin.

Je descends chargée de ma grosse valise et de deux gros sacs. C’est le confinement à midi, je pars de chez moi, je ne sais pas pour combien de temps… J’ai regardé mon appartement d’un oeil neuf, un peu orphelin avant de fermer la porte. Vite, le taxi attend!

Étrange mouvement de ballet pour mettre tout cela dans le coffre du taxi sans se toucher. Ne pas trop s’approcher, respirer à distance, il a des gants pour prendre mes bagages. Même la voix est mesurée dans le dialogue comme si nos mots pouvaient être porteurs de virus ! Je vois au 4ème, la voisine qui regarde  mon départ. Elle a écarté ses rideaux. Va-t-elle me dénoncer? Mais de quoi en fait? On se sent coupable… sans raison.

J’ai une impression de fuite. C’est d’ailleurs peut-être cela que la voisine a pensé. Une fuite, une évasion, comme une tricherie. Ce que la fluidité du trafic sur Paris ce matin corrobore. Derniers instants de liberté. Les trottoirs sont vides, souvent. Les visages portent des masques. La succession de magasins fermés accentuent cette impression de malaise. On pourrait se croire un dimanche mais cela n’en est pas un.

Le bruit est différent. Moins de klaxons, d’énervement. Comme une suspension.

Dans la voix du chauffeur, je sens l’anxiété de demain. Comment va-t-il travailler ? Que va-t-il se passer ?

Le temps est gris. Le ciel bas. Comme en accord avec ce qui se trame, là, pour nous tous.

Malakoff, je suis arrivée. Personne dans la rue là aussi. Le ballet pour tout sortir du coffre sans se toucher recommence… « Au revoir. Bon courage » que faire d’autre que s’encourager ?

L’espace se confine. S’ouvre l’attente.