Et si…

Quand regarder votre enfance, c’est l’antre noire, sans lumière, sans filtres où rien de transparaît ne parle ni se tait.

C’est ça mon nom

Quand le vent balaie les rochers, transporte le sable, rugit votre peine, croque les vagues, lave la mer… et vous.

C’est ça mon nom

Si l’aube sort de sa torpeur et pose le jour en espoir, vous enveloppe de son sommeil évanoui, ronronne au coin du café.

C’est ça mon nom

Si cette main caressante, exploratrice, poignante glisse. Aux mots de votre peau. En un indéfini interminable. Sans autre langage que le plaisir

C’est ça mon nom.

Et si le brin d’herbe, l’épervier, les gravillons, Et si l’âtre gorgé de feu, Et si la terre grasse à mes mains, Et si le lézard immobile, Et si le bourgeon, l’abeille, la limace vorace, Et si le souffle du sol, la fermeté du ciel,

C’est ça mon nom.

Alors je reste.

A la manière de Charles Brautigan

Ma route

« Peut-être savait-il, moi je l’ignorais, que la terre est ronde afin que nous ne puissions pas voir trop loin notre route. » Ces mots de Karen Blixen, résonnent en moi. Parfois comme un rempart, parfois comme un élan, parfois comme une faiblesse, parfois comme une douceur.

Je marche sur cette terre sans connaître la destination, sans signalisation rassurante, sans GPS programmé. Ce que je sais, c’est que je marche. Je pourrais attendre, reporter, différer. Chercher les certitudes incontestables, la route balisée, l’ordre militaire. Non, je marche sur la route vivante de mes jours.

Aux jours de doute, je bute, je trébuche. Le nez sur mes pas, tête baissée, noyant les visages aimés, les pépites quotidiennes.

Aux jours de nostalgie, le passé s’étale, déborde, envahit tout. Je suis comme dépeuplée, déportée de ma marche, tâtonnant en aveugle pour trouver le passage.

Aux jours de douleur, je m’arrête. Mon pas fracassé demande grâce et questionne : « Faut-il encore continuer si cela fait si mal ? »

Aux jours de quête, j’explore chaque regard, chaque parole. Je cueille chaque fruit comme une urgence à espérer. J’avance à la rencontre.

Aux jours de bonheur, je danse au vent chaleureux. Je ris des impasses, des ponts suspendus, des ravins. Je me sens invaincue, invincible. Mes pas dansent.

Ce matin encore, la route m’appelle. Je lève le regard, mais pas trop loin. Les grandes fractures m’ont ouverte à aujourd’hui. L’espoir pour demain est comme une longue patience, comme un minutieux puzzle aux richesses innombrables, comme une foule immense de désirs désirés et de frères attendus.

Je vais, je cherche, le voyage est peut-être long, peut-être pas, peu m’importe.

Je vais à l’envie de continuer d’aimer.
Je vais à l’ardeur de bâtir plus haut.
Je vais à la surprise d’apprendre encore.
Je vais à l’audace de me faire surprendre.
Je vais à la certitude de ne pas être seule à marcher.
Je vais aux milles visages de la rencontre.
Je vais à l’instant, passage déchiré vers le ciel de demain.

 

En Flamme

Lourdes

Elles sont comme enfermées, sans gestes, sans chemin. Plantées par une main inconnue. Portées aussi par le fer qui les dresse. Traversées par cette mèche invisible, discrète et allumeuse. Gardiennes fragiles de secrets sans noms.

Messages sans mots, fondant de désirs ou d’espoirs démesurés.

Cet espoir, comme une vague qui, en flux et reflux, vient combattre mes doutes obstinés, mes lâchetés banales. Combats de fourmis en batailles silencieuses.

Raideurs fragiles et éphémères pointant vers le ciel, la flamme et la lumière de l’envie, de la patience. Je suis debout comme elles. Pourtant, je déteste la raideur. Celle sans oxygène, sans portes de sortie. Mon corps maladroit porte pourtant cette mèche malmenée de l’humain que je rallume sans cesse.

Un souffle de rage peut m’éteindre, un autre me courber un instant. Une tendresse imprévue me fera fondre un peu, redonnant une petite place à un amour, flambant neuf à chaque fois. Je dégouline de peur, parfois, je me creuse de la tristesse entrevue, de la rageuse impuissance sur laquelle je m’empale.

Pourtant, je me dresse obstinée et éphémère avec d’autres, comme moi, plantés sur la terre. Les flammes dansent en boucles inédites. C’est toujours neuf le bonheur qui fait danser, les rives qui se lâchent, les décors qui bougent. Vague de plaisir qui réveille le sable endormi.

Elles veillent dans la nuit, l’une plus fatiguée que l’autre, l’une plus tordue que l’autre, l’une plus grande que l’autre.

Peut-être que chacune est un de mes jours, un de mes espoirs, une de mes humeurs ? Je suis là dans la lumière fragile de ces bougies levées, partagée, fascinée, invitée, à ne jamais cesser de brûler.

Un ciel rouge sang

Tu as vu ? Le ciel est rouge. Il flamboie, noyant la douleur du monde dans un feu délirant.

Je sais ! Je ne dois pas te parler de cette douleur, ni de violence. Encore moins de mots manqués ou de rendez vous cassés. Et surtout pas de ces nouvelles noires que jettent nos écrans.

Je sais ! Tu ne veux pas entendre, ni voir, ni ressentir. Je sais, c’est trop. Trop de cris qui lacèrent le cœur, trop de griffes dans le corps, trop de lances dans les yeux.

Je sais ! Tes mains sont trop petites, ton cœur trop fragile, tes yeux trop éblouis, tes pas trop mesurés. Je sais ! Ces morsures-là je les connais.

Mais peut-être faut-il laisser le ciel flamber avec grandeur et aller sur le chemin où d’autres marchent. Juste là, tout près. Pas avec le monde entier. Pas une course folle. Simplement mesurer ton pas à celui d’un autre, partager une voix, toucher ses rêves, regarder ses mots et entendre sa vie.

Pas loin, pas trop. Juste ça.

Et dans le ciel rouge de sang, la douleur ne sera plus seule.

Une jolie façon de s’envoyer en l’air…

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Le matin est glacé. Il fait nuit noire en cette fin de septembre, 6 heures du matin et je tremble de froid dans ma polaire. Les vitraux de l’église de Saint Clair-sur-Epte luisent dans la nuit. Quelques ombres tournent sur la même place que moi. Je ne suis pas seule à attendre. Deux Land rover se garent près de nous. Et nous emmènent tous, direction les montgolfières. Le matin est blafard, il se lève paresseusement. La brume s’étire sur les prairies. Les lueurs de l’aube dressent les arbres en noires silhouettes. Les verts, bleus des prairies croisent les gris des moiteurs qui s’élèvent de la terre. Corot réinventé. Une voiture passe au loin. Ses phares crachent furtivement leur lumière.

Et nous arrivons au terrain de décollage. En fait de terrain, c’est une prairie dont l’herbe n’a pas été fauchée depuis bien longtemps et nous sommes trempés en quelques pas. Au travail, ça réchauffe. Nous sortons le panier qui va nous accueillir pour le vol. Puis, la toile de la montgolfière se dévide au fil de la voiture qui avance, s’affalant paresseusement sur le sol. Un énorme serpent jaune et bleu. Il faut étirer cette immense toile, tenter de lui donner son ampleur. Et puis, plus rien. Le pilote disparait dans la campagne. Chacun se demande ce qui se passe. Et j’ai froid. Je marche de long en large. J’ai faim!!! Le temps se traîne… Mais que se passe-t-il?

9h…10h…

En fait, la brume est trop présente et si elle ne se lève pas, le départ ne pourra pas se faire. Croissants, pains au chocolat et café font un peu passer le temps. On va sans doute partir. Certains sont déjà repartis plusieurs fois bredouilles pour cause d’intempéries. Alors, quand le départ est donné, je mesure ma chance de partir normalement du premier coup.

Le pilote met alors le moteur en route, il crache des flammes longilignes. Le ciel s’éclaire. Puis les ventilateurs se mettent à souffler pour gonfler les toiles. On tire la toile pour laisser l’air s’y engouffrer. Et un étrange ballet commence. Une mer de couleur danse sous nos yeux. Peu à peu, une bulle se gonfle, sans cesse en mouvement, en flux et reflux de souffle, comme en hésitation. Et puis, nous sommes dépassés, dominés par une immense caverne bleue et jaune. Le pilote s’y engage… minuscule silhouette dominée de voiles de couleur.

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Puis la toile tendue relève le panier. C’est là qu’il parait bien fragile. Nous y grimpons à 7. Foulard sur les cheveux pour se protéger de la chaleur du moteur. Un grand crachat de feu et nous nous élevons à une vitesse surprenante. En quelques instants, les deux autres montgolfières restées au sol nous apparaissent minuscules. Puis, c’est un silence ouaté, souffle retenu, silence partagé, ébloui. Brisé par instants par une longue flamme, crachée, rauque. Une sorte de flottement, être en plein ciel prend tout son sens. En être une part au gré d’un souffle léger. Sans médiations aucunes que ce panier qui nous porte.

De là où nous sommes les couleurs de la terre prennent une douceur ombrée. On s’attendrait presque à voir Peter pan et Wendy nous inviter à nous envoler. Magie intemporelle ! Les repères n’existent plus. L’instant est d’une douceur rassurante. Une envolée sans heurts, je vogue, flotte, nage, … je rêve!

L’atterrissage laisse pantois les novices que nous sommes. A coup de flammes bien réparties, le pilote nous pose dans un champ sans à-coups! Puis nous replions tout. Il nous arrive de peiner à plier serviettes ou draps. Alors imaginez une montgolfière!!!

Non, n’imaginez pas, cela pourrait vous ternir l’envie d’y monter un jour et ce serait trop dommage. C’est fabuleux et magnifique!