Caroline est arrivée aujourd’hui. Dans la grande maison de pierre, j’ai entendu son rire résonner jusque dans ma chambre. Vite, je descends les escaliers quatre à quatre, je lui saute au cou et je joins mon rire au sien.
Le temps des cousines est arrivé, le temps sans âge et étiré, le temps arrêté, rassemblé.
Avec Caroline, rien de bien commun en apparence. Pourtant, c’est elle que je préfère des trois cousines. Brune, un peu forte, explosive et chaleureuse, elle mène une vie originale et créative et moi, blonde, fine et réservée, inscrite dans un chemin nettement plus classique.Rien de commun en apparence.
Pourtant dans le couloir des souvenirs avec Caroline il y a la chambre des poupées.
D’interminables journées au chevet de nos « enfants », leur inventant milles tourments pour mieux les consoler, les cajoler, les soigner, … les commander. D’innombrables mises en scène de spectacles incompréhensibles, présentés à nos parents distraits, entre le café et le pousse-café, dans le grand salon, de la grande maison en pierre.
Puis la chambre des adolescentes.
L’humeur est aux couleurs, à la rébellion, aux questions. Nous rêvons d’ailleurs, d’autres contrées, d’autres mots, d’autres amours. Et le grand salon reste le lieu de nos revendications, de nos paroles ; que nos parents banalisent distraitement comme un nième spectacle des cousines.
Puis la chambre du voyage.
Lunettes fumées, rires qui couvent, insouciants baisers, chèches blancs autour du cou, le départ est donné. Avec Caroline et Sophie, c’est l’envolée des cousines vers le sable ouaté du désert. On est loin là de l’univers prévisible de la grande maison, des conseils angoissés des parents, des peurs sorties au grand jour, ou des airs distraits. C’est le premier départ, l’insouciant partir.
Et, dans le cœur du désert, dans le crissement discret du sable sous les chaussures, dans le silence habité de l’espace, dans le temps démesuré pas après pas, le déplacement partagé a fini de nouer un lien invisible entre nous.
L’indéfectible temps des cousines, tissé d’une chambre à l’autre dans le couloir des souvenirs.