Étreintes de feu

Tu es loin. Et le feu brûle… Vorace, appliqué… Devant cette obstination rougeoyante, je ne peux m’empêcher de penser à cette proximité-distance qui donne naissance aux flammes. Caressé par un souffle invisible, allumé d’une incroyable étincelle.

Tu es loin. Encore. Et l’écart entre les bois comme un mystère. Juste cet espace loin de l’autre pour brûler soi-même, se consumer tranquillement. Juste l’autre bûche, pas trop loin, juste assez proche pour irriguer de sa chaleur, le bois offert, les braises naissantes.

Tu es loin. Toi aussi. Et ces flammes sensuelles, épaisses, actives, nées de presque rien, de cet éclair incontrôlé, infime, fugace. Elles se glissent entre le bois, fissuré peu à peu. Le bois si solide. Mangé par le feu, magnifié, transformé. Alliage, mariage, complicité, combat … fascinant et troublant.

Tu es loin. Très loin. Et dans le silence du matin, seule la mélodie essoufflée de l’âtre emplit la pièce. Le jour n’est pas encore là, le nuit paresse. Chaque flamme présente et dansante, grignotant le bois offert, me parle. De cette longue distance, de cette absence infusée dans le quotidien, qui ronge et fissure nos liens. Insidieusement, méticuleusement. De ce silence sans étincelles. Qui me brûle.

Tu es loin. Et le feu, affaibli un instant, appelle mes gestes pour bouger une bûche, rassembler les braises, rapprocher les bois éloignés, changer les angles, orienter les parts offertes de chacune, pour brûler mieux… et encore. Gestes interdits avec toi, chacun de toi. Caresses, corps à corps, baiser, étreintes… Va-t-on en oublier jusqu’aux mots ?

Tu es loin. Et un bruit trouble le matin. Une bûche s’écroule. Plus de force. Mangée de chaleur. Elle est presque braise, devenant baiser, nourriture pour celle qui se tient encore fière. Elle lèche, ondoie, glisse, savoure… proche, avide. Brûler l’un près de l’autre. La vie en flamme s’enflamme. Tu, toi, vous, chacun, et les autres aussi… me manquent.

Ne pas laisser le feu s’éteindre !

Je crois que…

Je crois qu’il faut que je me réveille. Que je cherche.
Même les mauvaises herbes poussent de travers. La pollution leur manque.
Elles étouffent.
Les fleurs sont suspectes. De couleurs vives, de souplesse au vent.
C’est interdit.
Même le silence est frauduleux.
Volé à l’absence, tranché, arraché de nos bouches, de nos souffles.
Même les regards se sont enfuis. Traqués par la peur.
Réfugiés, cachés, braqués sur nos pas.

Il faut que j’explore. Que je pousse le murs.
Même l’air est grillagé. Il ne sort que sur autorisation.
Distillé avec parcimonie à ceux qui obéissent.
Les gestes sont muselés. Jetés aux oubliettes.
Ils sont en rééducation. Sociale.
Même les corps sont ralentis. Comme en suspensions.
Outil innocent du massacre.

Il faut que je parle. Que je crie.
Les saveurs sont en règle. En uniforme gris. Cadrées, en rang.
Même les mots sont devenus virtuels, volants, s’épuisant en rumeurs en sourdine.
Comme la musique. Comme ce chant plaintif que personne n’entend.

Mais je ne peux rien.
Je m’étouffe.
Je hurle le silence.
Je m’épuise contre ces murs si durs, si obéissants.
Ces murs de prisons.
Ces grillages installés.

Il faut que je regarde. Que j’écoute.
On a écrit sur un mur.
On a chanté dans la rue.
On a senti une joie
On a osé acheter du champagne.
On a écrit une lettre.
On a joué, oui joué, et ri !

Ce n’est pas encore un nous. C’est un on.
Ce n’est pas encore un nœud. Ni tout à fait une attache. C’est un essai.

Le on se révolte dans les profondeurs du manque.
Le on ravive les envies.
Le on s’obstine…

Je vais marcher, hors de la prison.
Hors du sage. Hors des absences.

Il faut recommencer. Absolument. Nouer. Renouer.
Réapprendre les nœuds, les attaches.
Nos corps qui se touchent et s’embrassent.
Nos souffles qui se mêlent.
Nous.

Lumière filtrée…

De la fenêtre, je vois que le taxi est là. Je lui fait signe. La rue est calme. C’est le matin.

Je descends chargée de ma grosse valise et de deux gros sacs. C’est le confinement à midi, je pars de chez moi, je ne sais pas pour combien de temps… J’ai regardé mon appartement d’un oeil neuf, un peu orphelin avant de fermer la porte. Vite, le taxi attend!

Étrange mouvement de ballet pour mettre tout cela dans le coffre du taxi sans se toucher. Ne pas trop s’approcher, respirer à distance, il a des gants pour prendre mes bagages. Même la voix est mesurée dans le dialogue comme si nos mots pouvaient être porteurs de virus ! Je vois au 4ème, la voisine qui regarde  mon départ. Elle a écarté ses rideaux. Va-t-elle me dénoncer? Mais de quoi en fait? On se sent coupable… sans raison.

J’ai une impression de fuite. C’est d’ailleurs peut-être cela que la voisine a pensé. Une fuite, une évasion, comme une tricherie. Ce que la fluidité du trafic sur Paris ce matin corrobore. Derniers instants de liberté. Les trottoirs sont vides, souvent. Les visages portent des masques. La succession de magasins fermés accentuent cette impression de malaise. On pourrait se croire un dimanche mais cela n’en est pas un.

Le bruit est différent. Moins de klaxons, d’énervement. Comme une suspension.

Dans la voix du chauffeur, je sens l’anxiété de demain. Comment va-t-il travailler ? Que va-t-il se passer ?

Le temps est gris. Le ciel bas. Comme en accord avec ce qui se trame, là, pour nous tous.

Malakoff, je suis arrivée. Personne dans la rue là aussi. Le ballet pour tout sortir du coffre sans se toucher recommence… « Au revoir. Bon courage » que faire d’autre que s’encourager ?

L’espace se confine. S’ouvre l’attente.

Matin

Fin de nuit saturée de bâillements, des lourdeurs du matin hâtif,
saturée de phares, d’ombres tournantes,
saturée de valises à roulettes et de petits pouvoirs abusifs,
saturée d’obéissance de petits moutons enlevant sans broncher écharpes, chaussures, ceintures, et quoi d’autres encore ? Pour grimper au 7ème ciel avec Air France ?
Je me suis demandée pourquoi ne pas me mettre directement en sous-vêtement pour éviter les allers-retours par le portail métallique sous le coup d’injonctions brèves et cassantes. J’aurais sans doute réveillé tout le monde !

L’aube à Nice a avalé toutes les pluies de lumière saupoudrées dans la campagne,le bleu de la nuit engourdie, celui de la mer massive, pour un atterrissage en plongée vers la lumière.

Le soleil rond, rouge, impérieux court sur la ligne d’horizon noire, au-delà des tarmacs, des camions, du béton. Le jour est là et nos pas pressés, nos sécurités démultipliées, nos couloirs démesurés risque bien de nous faire passer à côté de ce joli miracle.

Lire

Je déploie lentement mes jambes croisées. Mon regard se lève. Il caresse le mur, là, au fond du salon. Chacun de vous a suspendu son attente, sentant mon attention courir de l’un à l’autre. Je peux presqu’entendre vos appels, vos espérances… Il y a comme un bruissement de l’envie, un envol, une aube…

Je savoure cet instant indéfini, cet imprévisible possible. Je le fais même durer. Guettant quand l’impatience de l’appel prendra le dessus, de choisir l’un d’entre vous.

Aujourd’hui, j’irai vers l’égaré. Installé, non… Lire la suite

Vie

Il y a comme une danse dans les mots, une jubilation dans les gestes, une douceur passionnée dans les regards. Elle glisse ses pas, ses yeux amoureux accrochés aux siens. Rien n’existe que ce pas de deux de part et d’autre de l’assistance. Bienveillance et amitiés flottent comme un halo. Rien d’autre n’existe que cet instant puisant sa joie dans ce terreau des présences amies.

Sa voix a fléchi pour répondre à l’aveu de l’amour, aux mots de l’engagement. Sa voix a fleuri pour le dire, lui et son chemin. Oui, ils ont dit oui. La musique a dansé la joie commune. L’instant a résonné du premier oui, du premier matin, de l’homme que Tu fis, juste moins grand que Toi…

C’était la couleur du jour, palette innombrable du bonheur partagé, bavard, chantant, jailli, affirmé et contagieux.

Merci !

Etre Charlie?

Nous étions quelque uns, en ce dimanche 11 janvier 2015, réunis pour un atelier d’écriture. Et nous avons essayé d’écrire, sur ce jour, ces événements. Sur ces mots qui courent les ondes et les rues: Je suis Charlie… ou je ne le suis pas.

Vous trouverez ici, l’un après l’autre les textes des membres du groupe.

LA PAIX A EXPLOSE

La paix a explosé comme une colère sournoise comprimée trop longtemps. Un serpent glisse et siffle au cœur d’une multitude désemparée, robotisée, ignorée, ignorante.

Je suis cet enfant soumis au regard filtré à l’étroitesse d’une meurtrière. Je suis ces femmes cachées avec pour liberté une impasse. Je suis ces hommes, embarqués dans le torrent des propos réducteurs. Je suis ce pouvoir d’achat menant les foules dociles sur le chemin étroit des soldes du sens. Je suis cette tolérance cadenassée, cette ouverture filtrée, cet espoir raboté, cette guerre sans fin.

La paix a explosé, laissant derrière elle, un champ noirci par la haine, la peur et la folie, lançant au vent furieux autant de refus que d’horreur, d’élans que de peur comme un ébranlement profond de nos ventres meurtris.

La paix a explosé,

Ouvrant à des millions de pleurs, de questions, à ces millions de pas, déterminés. Marche pudique et offerte, de cette diversité trop souvent consignée.

Le feu noir de la mort a fait flamber la colère, rouge de honte. Le sol est blanc, du lendemain à construire, de l’indignation à ne pas étouffer, du lien à renouer. Le feu de l’espérance est vert pour écrire une liberté nouvelle.

Brigitte

LE 11 JANVIER …. JE SUIS CHARLIE

J’ai découvert ces mots dans un texto. Une chaîne à faire passer… Je n’aime pas les chaînes mais peut être celle-là en valait-elle la peine ? Je me suis interrogée ces mots en moi ont résonné. Etais-je Charlie ?

Je ne connaissais pas Charlie Hebdo. Je ne l’ai jamais lu. Lors de l’affaire des caricatures du prophète j’ai dit « qu’est-ce qu’ils sont cons de les avoir publiées ! » Je craignais que ce soit mal interprété, un bâton pur se faire battre, une provocation sourde à ruminer …

Le dernier dessin de Charb ainsi résumé, « Pas d’attentat en France ? Patience, la période des vœux dure jusqu’au 31 janvier » me laisse sans voix. Une provoc de trop ? Un dernier pied de nez ? L’auteur, avec d’autres, au paradis des dessinateurs s’en est allé.

La France pleure, le monde s’éveille.Comme après une gueule de bois. C’est la guerre dans nos rues, on assassine et on tue, soit disant au nom d’Allah. Fut un temps on pillait, tuait et convertissait au nom du Christ à tour de bras.

Je suis profondément triste pour ces gens, artistes, policiers, anonymes,qui ont payé le prix fort soit pour leur engagement, soit seulement parce qu’ils étaient là au mauvais endroit. Cela aurait pu être toi, cela aurait pu être moi.

Et ces chefs d’état qui affluent dans les rues de Paris aujourd’hui. Ces ennemis de de toujours, incapables de se parler, réunis pour une cause commune, universelle, LA LIBERTE!

Liberté de penser, liberté d’exprimer ses idées, liberté de la presse, liberté de croire en un Dieu, quel qu’il soit.

En silence avec eux je marche dans ces rues de Paris meurtries qui m’ont vue grandir. En silence avec eux je pleure les martyrs des temps modernes qui n’ont pas vu la menace venir. 

Valérie, le dimanche 11 janvier 2015

CHARLIE

Je ne suis pas Charlie !

Comme tous les artistes qui donnent chair à Charlie depuis des années je suis opposé à la pensée unique, aux dogmes, aux vérités absolues.

Comment pourrais je être Charlie aux cotés d’extrémistes religieux et politiques qui voient dans cette tragédie la confirmation de leur crainte d’un Occident islamisé.

Je ne suis pas Charlie !

Je ne suis pas un preux chevalier des temps moyenâgeux. Dernier rempart contre la barbarie. Défenseur envers et contre tous de la Vérité avec un grand V.
Leur vérité.

Je ne suis pas Charlie !

Lourd de peur au ventre, larmoyant sur son malheur. Ressuscité d’entre les morts de la bonne conscience.

Je ne suis pas Charlie !

De ces Charlie d’un jour, ignorants de tous les Charlie du monde. Ils sont si loin, si différents, si peu télévision, si peu…nous.

Je ne suis pas Charlie

Lutz , l’un des survivants, vient de déclarer :
« Mes amis morts auraient conchiés tous ceux qui chantent la Marseillaise en leur mémoire ».
Propos brutal, coup de poing dans la gueule, bras d’honneur, irrespect, tout ce que vous voulez mais tellement représentatif de l’esprit Charlie Hebdo.

Je suis simplement un être humain et tout ce qui est humain me concerne.

Je suis rempli de larmes d’impuissance.

Je suis Charlie et je sais que demain je serai à nouveau seul.

Jean

Voltaire : Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes mais je me battrai pour que vous puissiez le dire.

JE NE SUIS PAS CHARLIE

Je suis.
Je suis « je ».

Je ne suis pas Charlie. Je suis Michèle.
Charlie, ce n’est pas moi.
Je ne suis pas la pensée unique d’un jour unique.
Je ne suis pas la ferveur collective d’un dimanche de janvier.

Parce que je suis « je ».

Charlie, c’est Charlie : c’est chaque semaine deux feuillets de pur courage, deux feuillets de liberté.

Charlie, c’est le rendez-vous du goûteur d’idées salées, lui, ses résolutions-révolutions intérieures.

Charlie, c’est la dérision au bout de la ligne, la provocation à la pointe du crayon. C’est le précipice au bord de la marge.

Charlie, c’est la cruauté crue, exprimée sans filtre.

Charlie, c’est un nid de gentils, leurs yeux de sorcières sur nos artifices-paradis.

Charlie, c’est le courage.
C’est pour ce jour le rassembleur des humanités.
Charlie, c’est Charlie. Ce n’est pas moi.

Je ne suis pas Charlie. Je suis Michèle.

Je suis poussière sous la semelle d’un géant. Minuscule et sans courage. Mais libre.
Aussi libre que Charlie pour dire « je ne suis pas Charlie. Je suis Michèle. »

Je suis Michèle aux mains propres. Le cœur ouvert.

Je suis celle qui refuse jour après jour toutes les barbaries.
Je suis celle qui combat le moindre reflet d’infimes injustices, l’infâme brindille dans les rouages des Hauts-Bruits.

Je suis celle qui honore toutes les libertés.
Je suis sans cri et sans drapeau.
Silencieuse et indépendante.
Fourmi, je crois en la force des fourmis.

Je suis celle qui ne pleurera pas.
J’avance. La vérité chante à chacun de mes pas.
Je n’ai pas peur.

 Michèle, Janvier 2014

JE SUIS CHARLIE

Je suis Charlie, De tout mon corps, De toute mon âme

Je suis Charlie, Parce que je dis non au terrorisme, Parce que je dis non aux attentats
Parce que toute forme de violence m’horrifie, me terrifie
Et chaque jour de ma vie, je m’applique à éradiquer la violence qui est en moi

Quand je dis : « Je suis Charlie », Je dis Pardon,
Pardon d’avoir quelque part laissé faire cela
Quand je dis : « Je suis Charlie », Je dis Paix à leurs âmes, C’est ma prière
C’est ma façon de dire Pourquoi ? Je ne comprend pas !
C’est ma façon de lutter contre la peur qui m’enserre
C’est mon courage, Ma lutte du quotidien, Contre le racisme, Contre l’obscurantisme
C’est ma levée de Crayon, Mon appel à la lutte sans armes

Mon appel à l’amour au-dessus de tout, « Aimons nous les un les autres » !
Malgré tout ! Par-dessus tout !
C’est un appel à la liberté individuelle, C’est un appel à être !
Vraiment, Sincèrement, Entièrement
C’est un cri de sang froid ! Pour que la Non-Violence soit !
C’est une pensée pour Jésus, Bouddha
C’est une supplique vers Gandhi, Martin, Nelson
Pour que leurs actes, leurs paroles résonnent

C’est un appel pour que force me soit donnée de continuer
De trouver où, De trouver comment, AGIR
Pour que toute cette horreur ne soit plus !
Jamais plus !

Marielle

QUAND LA PAROLE EST BRISEE

Effroi.Froid dans le dos.
Dos tourné à la réalité.Tête dans le sable.
Saleté de vie. Virez moi ces malades.
Laideur de nos cœurs. Creusons nos consciences .
Sentons la honte de l’affront. Le front de l’ennemi voilé s’est dévoilé.

Volent les cris de haine. Chaine humaine soudée par l’agression.
Sion, Babylone, Rome piégées dans la culpabilité. Ténèbres surgies de l’éclipse.
Psychée où les frères drapés d’ego mirent leurs âmes.
Armes brandies pour être égaux. GO,GO, nous ne sommes pas si médiocres.
Croisons le fer avec ceux que nous avons enfantés.

T’ai-je dis que je t’aimais ? Mektoub, c’était écrit. Pas dans la même langue.
Lancinantes barbaries des contrées lointaines. Tenez-vous à distance.
Tant de femmes enlevées, tant d’enfants esclaves.
Clamons notre liberté.Terrible cri. Crissant d’impuissance.
Sang noir abreuvant les stylos. Logorrhée noyant les esprits.

Rions-nous de tout ou pleurons-nous de rien. Ruminations stériles.
Îles en perdition. Souviens-toi d’où tu viens.
Veines du même arbre.Abstraction. Scions vers la chute le rameau.
Maux démons des mots.
Modérons l’effroi.

Fraternisons.

Frédérique

JE SUIS CHARLIE

Ce mercredi 7 janvier 2015, tombe cette annonce incroyable et horrible, le massacre à la kalachnikov de l’équipe de rédaction de Charlie hebdo….des dessinateurs mais aussi des rédacteurs, des journalistes et un policier qui était chargé de la sécurité de Charb.
Je n’en crois pas mes oreilles, les larmes coulent de mes yeux, je pense immédiatement à la liberté d’expression, via l’humour, la caricature, que l’on a assassiné ! à ces personnes qui étaient de belles personnes, gentilles, aimables, avec des valeurs fortes de respect de l’autre, valeurs que l’on tue.
Je suis Charlie, car pour moi, ce journal incarne la France, Allégorie de la Liberté, de la Fraternité, de l’Accueil.
Si je suis Charlie, c’est parce ce que je suis française avant tout, que j’aime mon pays, que je me reconnais pleinement dans ces valeurs de liberté, de démocratie, de république.
Si je suis Charlie, c’est parce que je suis contre la Barbarie qui tue pour tuer, pour anéantir, pour mettre le monde à genoux.
Si je suis Charlie, c’est parce que je suis contre l’Islam Terroriste d’Al Qaïda, de Da’ech et de toutes ses filières qui, au prétexte d’Allah, tue les impies, les mécréants, viole les femmes au Pakistan, au Moyen Orient, en Europe.
Si je suis Charlie, c’est parce que pour moi une religion ne peut et ne pourra jamais incarner des valeurs de Terreur, de Haine, de Destruction de l’autre au prétexte qu’il est juif, chrétien, musulman ou bouddhiste, qu’il mange hallal, casher ou du poisson le vendredi.
Si je suis Charlie, c’est parce que je tolère l’autre tel qu’il est, simplement parce qu’il est un être humain, un frère, qu’il soit blanc, jaune ou noir.
Si je suis Charlie, c’est parce que depuis toujours je pense que la liberté de penser, d’écrire, de parler, de ressentir, d’aimer sont nos joyaux les plus précieux.
Je suis Charlie et resterai Charlie en respect de tous ceux qui ,hommes ou femmes, se sont battus pour nos libertés, pour les fonder, les ancrer, les préserver.
En hommage à Charlie, restons unis, soyons des veilleurs de fraternité, ne cessons jamais de porter cette flamme de Liberté, celle de la France Libre, comme une fierté, comme un étendard, telle une flamme olympique que l’on transporte de continent en continent…

Claire, Janvier 2015

Tendresse particulière…

Ce matin, je marche dans la grisaille parisienne. Attente au feu. La bretelle venant de la voie rapide vomit un flot incessant de voitures impatientes. L’air est gris de poussière, sursaturé de bruits de moteurs. Agression matinale banale.

Au vert, je traverse et entame le passage bétonné pour passer sous le périphérique.

Et là, au milieu, adossés au mur, quatre sacs de courses rouges, ventrus, pleins, tranchent l’espace.

Et là, au milieu, sur les sacs rouges, une jeune maman et son fils, assis, tout entiers absorbés l’un par l’autre.

Il a trois ans, au plus. Et il raconte, bavarde, explique. Sa main, accrochée à un biscuit voltige en tout sens. Les yeux de sa maman brillent de tendresse et d’écoute. Et son éclat de rire à la conclusion de l’histoire illumine l’ambiance.

Enfin, pour moi, là, dans ce matin gris. Car personne d’autre ne regarde cette maman assise avec son petit sous un périphérique hurlant. Vivre à la rue ne se regarde pas.

Alors jaillit en moi, le visage de mes deux petits fils, si proches en âge de ce petit-là. Ils profitent de la même tendresse et de la même écoute mais dans d’autres lieux tellement plus sereins.

Et je sais pourquoi je me bats avec d’autres pour que cela cesse.

Paix

Il règne dans le salon de la grande maison, une calme douceur. Allongée dans la grande bergère, Marie feuillette un catalogue.

Les petites jouent en chuchotant. Elles échangent les instructions indispensables au bon déroulement du « on disait que… ». Le ballet des feuilles, feutres et plateaux portent de mystérieux messages qui nous échappent. Petits pas de souris, rire dans les yeux, elles mijotent leur plaisir sans rien perturber.

Les adultes sont éparpillés de ci delà, entre livres et jeux, finissant thé et café au rythme de la pause. Le vent souffle dehors, cherchant à repousser les nuages gris qui plombent le ciel.

Rien de triste, un passage qui bouge feuilles et champs, une musique du silence, une petit vigueur pour les cœurs, nourrie par cet instant de paix.

La bergerie

L’insistance était telle qu’il ne peut décemment plus s’y dérober. Mais d’où lui vient donc cette subite lubie de vouloir acheter un cheval de course ! Henry lève les yeux au ciel, exaspéré. Et cette histoire de moutons qu’il ressert obstinément comme une évidence. Insensé ! Henry soupire de plus belle.

Malgré ses 27 ans hauts perchés, il ne se sent pas de décevoir son père. Surtout quand le regard accordé à la voix porte un message venu de loin, d’une sorte de contrée inconnue. Henry grimpe pesamment les trois étages vers son appartement. Pousse la porte. Chauffe machinalement un café. Qu’il boit debout. Le regard perdu, le corps hésitant.

Mais mon Dieu, par quel bout prendre cette demande ? Il n’en sait rien.

Pourtant, une idée lui vient. En bas, au coin de la place, le café est dédié au tiercé. Il y a là des hommes penchés sur leur journal, parlant la langue inconnue des paris, chevauchant leur rêve, le crayon à la main. Sûrement là, il pourra glaner quelque information.

Il redescend quatre à quatre, pousse la porte du troquet. Et c’est un autre monde dans lequel il s’avance. Mots et regards portent en eux bien plus que l’instant. Pilotes, foulées, corde, casaque, autant de mots inconnus voguent d’une bouche à l’autre, portés par une angoisse mêlée d’espoir. Une vie entière suspendue à ces minuscules croix griffonnées sur un journal. Henry s’avance, et commande un café  au bar. Il sent peser sur lui les yeux durs réservés aux nouveaux, aux intrus. Il ne se démonte pas pour autant et attend. Puis, discrètement, prend un journal abandonné et tente de pénétrer le mystère.

C’est un peu plus gaillard qu’il grimpe les trois étages maintenant. Voilà, il la tient l’information qu’il lui fallait. La Société d’Encouragement. Il va leur écrire. Il ne voit pas bien ce qu’ils encouragent mais peu importe. Une lueur apparaît enfin.

Quelques jours plus tard, c’est une longue liste qu’Henry sort de l’enveloppe marron. 11 feuillets dactylographiés. Toute la liste des entraîneurs de chevaux de course en France. Perplexe, il laisse glisser doucement son doigt le long des feuillets, Baudery Jean, Fouchet Adrien, Pouchalon Ferdinand, … lequel choisir ? Ah, là… Albert Roger, Chantilly. L’idée de mélanger nom et prénom lui plaît. Va pour Albert Roger.

Et d’une main ferme, il saisit le cornet noir du téléphone pour appeler. Une voix sourde et précise lui répond. Aucune question, aucun étonnement. Rendez vous est pris le vendredi suivant : 7h à l’écurie de la rue blanche à Lamorlaye. Voilà. C’était si simple. Et dans les nuits qui suivent, flottent dans ses rêves, des envolées de chevaux insaisissables et de moutons hilares, lancés au grand galop par une voix sourde et précise, une voix sans visage.

Le vendredi venu, Henry se sent un peu gauche en poussant la grande grille de l’écurie. Une activité intense, studieuse, méthodique remplit le lieu. Chacun agit, économe de geste et de paroles. Une sorte de ballet entre hommes et chevaux. Une étrange émotion l’envahit. Il avance. Se renseigne et croise enfin le regard de celui dont il ne connaît que la voix. Albert Roger… ou l’inverse, il ne sait plus. Un homme trapu, calme, au regard franc et droit. « Venez avec moi, je pars à la piste ». Et sans autre forme de procès, Henry se trouve embarqué dans la petite voiture rouge de l’entraîneur. Il démarre et…, pas un mot, silence épais.  Henry, embarrassé, n’ose le briser, alors il se tait et regarde. Un petit parking sous les arbres. De grandes foulées dans le sable pour rejoindre la large piste mordant sur la forêt.

Et les mots tombent nets : « Ici, avant, il y avait d’immenses troupeaux de moutons, c’est pour cela que cela s’appelle la bergerie. ». Le miroir sans tain se brise, les liens se nouent. Les moutons de son père, … et surtout, surtout, la prédiction de Grand-mère qu’il avait balayé d’un affectueux revers de main : « Henry, les chevaux vont manger toute ta vie. »

Et dans la brume du matin, un fin nuage de sable se lève à l’horizon, un frappé sourd et régulier résonne au loin. Roulement de tambour envoûtant qui approche. Vagues ondulant.  Une force mêlée de légèreté envahit le temps et l’espace. La forêt elle-même s’est arrêtée pour accueillir le flot de souffle, d’efforts, de splendeurs qui passent en un éclair. Un temps infime.

Un temps où tout a basculé.