Un pas deux pas

Un pas, deux pas,
Comme la chanson des pommes qui font rouli roula.

Un pas à gauche, un pas à droite.
Le vent qui passe ébouriffe mes cheveux,
Je sifflote et je ris, sans voir les passants ahuris.
A mon âge, est-ce bien sérieux de sautiller dans la rue comme une fillette ?

Un pas en avant, un pas en arrière.
J’ai 5 ans, peut-être dix.
Je saute de joie, je m’allège, je me déleste de mes soucis, je me lâche !
Petit mirage insouciant, je suis hors de moi et le temps d’un instant, j’y crois.

Un pas à gauche, un pas à droite,
Je prends mon élan, et les deux pieds bien serrés,
Je saute dans la grande flaque, là au bord du trottoir.
Je suis mouillée, les passants outrés, Je viens d’y déloger le nuage assoupi.

Un pas en avant
Je continue mon chemin en dansant.
Aujourd’hui j’ai 5 ans, peut-être 10.

Ma route

« Peut-être savait-il, moi je l’ignorais, que la terre est ronde afin que nous ne puissions pas voir trop loin notre route. » Ces mots de Karen Blixen, résonnent en moi. Parfois comme un rempart, parfois comme un élan, parfois comme une faiblesse, parfois comme une douceur.

Je marche sur cette terre sans connaître la destination, sans signalisation rassurante, sans GPS programmé. Ce que je sais, c’est que je marche. Je pourrais attendre, reporter, différer. Chercher les certitudes incontestables, la route balisée, l’ordre militaire. Non, je marche sur la route vivante de mes jours.

Aux jours de doute, je bute, je trébuche. Le nez sur mes pas, tête baissée, noyant les visages aimés, les pépites quotidiennes.

Aux jours de nostalgie, le passé s’étale, déborde, envahit tout. Je suis comme dépeuplée, déportée de ma marche, tâtonnant en aveugle pour trouver le passage.

Aux jours de douleur, je m’arrête. Mon pas fracassé demande grâce et questionne : « Faut-il encore continuer si cela fait si mal ? »

Aux jours de quête, j’explore chaque regard, chaque parole. Je cueille chaque fruit comme une urgence à espérer. J’avance à la rencontre.

Aux jours de bonheur, je danse au vent chaleureux. Je ris des impasses, des ponts suspendus, des ravins. Je me sens invaincue, invincible. Mes pas dansent.

Ce matin encore, la route m’appelle. Je lève le regard, mais pas trop loin. Les grandes fractures m’ont ouverte à aujourd’hui. L’espoir pour demain est comme une longue patience, comme un minutieux puzzle aux richesses innombrables, comme une foule immense de désirs désirés et de frères attendus.

Je vais, je cherche, le voyage est peut-être long, peut-être pas, peu m’importe.

Je vais à l’envie de continuer d’aimer.
Je vais à l’ardeur de bâtir plus haut.
Je vais à la surprise d’apprendre encore.
Je vais à l’audace de me faire surprendre.
Je vais à la certitude de ne pas être seule à marcher.
Je vais aux milles visages de la rencontre.
Je vais à l’instant, passage déchiré vers le ciel de demain.