La rentrée de la famille Cochon.

Instant magique. Tanguy est lové contre son père dans le profond canapé. Sa petite tête blonde posée délicatement contre le torse douloureux. Harold pose sa voix, joue d’effets, d’arrêts, de soupirs. Son plaisir est palpable. Il échappe pour quelques instants à la lancinante douleur. C’est le moment journalier où l’un et l’autre partent au pays de « La rentrée de la famille cochon ».

Depuis le début de l’été en effet, Tanguy réclame chaque soir, obstinément la même histoire. Impossible de l’intéresser à une autre, toute diversion est couronnée d’échec. Chacun soupçonne bien que sa prochaine rentrée à l’école maternelle motive son choix. Avec ses bientôt trois ans, c’est sa première rentrée scolaire.

Tous ses frères et sœurs n’ont pas manqué de lui en parler de toutes les façons possibles. Mais mêmes attendris, leurs propos font bourdonner un flot d’images inconnues dans la petite tête de Tanguy. Lui qui ne connaît de l’école que les sorties de collège ou de lycée doit avoir un peu de mal à se figurer ce qui va lui arriver en septembre.

Alors la rentrée de la famille Cochon a remplacé tous les discours. Le décor est en place. Il s’y accroche, sans détours. L’histoire se déroule et les visages de Tanguy et d’Harold racontent encore plus que les mots. Les sourires effleurent, les voix portent des rires : « Qu’est-ce qu’on est bien organisé cette année », clame Papa Cochon, juste avant que tout se dérègle !

Mais le clou de la lecture est toujours le même et tous l’attendent chaque soir, même s’il ne leur est absolument pas destiné.

Après quelques péripéties, Maman Cochon dépose Marie Cochon et Charles Cochon dans leurs classes respectives. Puis c’est le tour de Bébé Cochon en première maternelle. Et comme le menton de Bébé Cochon tremble un peu au moment de la séparation, pour le rassurer, Maman Cochon lui fait un enthousiaste « youhou » d’au revoir.  Qu’Harold transforme et amplifie à l’envi. Que Tanguy goûte avec délices.

C’est l’instant du fou rire, du câlin… attendu, savouré, élargi au maximum. Et la famille entière ne peut résister. Tous se laissent gagner par la joie qui déborde de l’instant.

Ecriture

Au creux de mon ventre
L’écriture.
Bouillonnement rouge sang
Plaisir noué à l’urgence.
Lynx surgissant d’un voile.
Lumière fragile ajourée
Fraise fondant sur mes lèvres.
Putain impudique et blasée.

Voix chaude aux accents passionnés,
Je ne peux la faire taire,
ni la raboter, ni la poncer,
ni la clouer au pilori…

Au creux de mon ventre,
Souffle et direction.

 

Enrichissement mutuel….

Pour ceux qui ne l’ont pas encore découverte, la page Bonne Maman dans le menu est une page un peu spéciale.

En effet, suite à mon texte Enfance, des cousins ont commenté et enrichi ce texte de leurs souvenirs et anecdotes.

Alors même si vous ne l’avez pas connue, et que ce sont nos souvenirs, vous pouvez aller vous délecter de tous ces mots qui disent toute l’affection que nous avions, et avons encore, pour notre chère Bonne Maman.

Cliquez ici, Bonne Maman,

Bonne lecture

Le temps décompté

De même qu’une grande distance révèle un bon cheval, de même quand il a trop couru, il n’en peut plus.

C’est ce que Georges marmonne entre ses dents ce matin. La chaleur du jour alourdit le travail qui l’attend. L’âge aussi, sans doute… Fourche et foin, seau dégoulinant, bras tendus, nuque raidie sous la charge, il contemple la longue rangée de box avec hargne. 8, 9… 10 boxes encore à faire. Autant qu’une fin des temps. Interminable. Les coups de boutoir du bai brun impatient lui vrillent les oreilles. Oui, tu as faim, je sais, je viens, … je viens.

Georges tire la brouette, y jette rageusement le crottin mêlé de paille. Il se penche, porte, pousse, marche, mesure les grains, étale, porte encore, avec une vigueur automatique, une gestuelle réglée comme une musique venue du fond des temps.

Dans le troisième box, l’attend la douce et jolie grise. Il passe sa main sur son encolure et guette le moment où, arrivant près du garrot, elle va dresser les oreilles. Elle aime. Là, juste là, et pas ailleurs. Et Georges se prête au jeu oubliant l’heure et le labeur. La raideur attentive de Taïga contient tout le plaisir qu’elle éprouve. Surtout n’arrête pas, dit-elle silencieusement.

A cet instant, la rue résonne d’un concert de sabots. Et Georges, attendri, voit passer une cohorte de petits poneys. Les corps flottent, les jambes tambourinent les ventres, les têtes dansent au gré des croupes, et les sourires grimpent au ciel.

Le claquement métallique de la grande grille verte les fait sursauter tous les deux. Se faire surprendre de cette façon ne sera pas du goût de l’arrivant. Georges est en retard. Peu importe la fatigue, l’âge ou la charge excessive. Lui, là, rien ne l’émeut. Il va crier, menacer et Georges va courber l’échine. Sans mots. Sans gestes. 40 ans de maison, c’est une médaille suffisante. Il a servi le père. Ce n’est pas le fils imbu qui le jettera dehors.

Allons, trêve de rêverie, ils attendent, ils ont faim, de paille, de grain, de foin, d’attentions, de soins. Et Georges ne va pas s’y soustraire. Oh, non ! Loin de là. Il va donner à chacun, adapter ses gestes, adoucir sa voix, presser le pas.

Le temps passe. Le temps compté est largement dépassé. Georges est toujours là. Le temps a un prix celui du don et de la passion. Le temps révèle un homme de bien.

 

Le voile gris

Le voile gris tombe épuisant la terre

Eau tremblée, rythme agaçant,

Mur d’humeur sombre

 

Vague à la pluie de mon âme.

Combat sans lutte, espoir nuageux,

La pluie a vaincu le jour

Et le soir s’éteint doucement dans la nuit

 

Elan assourdi

Mes pas à courte vue

Va-t-on bien vers demain ?